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Arman Soldin, de Sarajevo au front ukrainien
Témoigner de la bataille de Bakhmout et de la vie des populations condamnées à la survie: le travail récent d'Arman Soldin donne une idée de son engagement à couvrir ce conflit.
Avec ténacité, curiosité mais aussi une bonne humeur contagieuse, le coordinateur vidéo de l'AFP en Ukraine, tué à 32 ans dans une frappe de roquettes dans l'Est de l'Ukraine, s'attachait depuis les premiers jours à raconter cette guerre qui entrait en résonance avec son histoire personnelle, lui qui avait fui à un an sa Bosnie natale pour la France.
A Bakhmout, ville ukrainienne que les forces russes assaillent depuis août dernier, il s'employait malgré la violence des combats à filmer la bataille militaire et les destructions engendrées.
Il racontait aussi la vie des gens ordinaires pris dans la guerre et cherchant à survivre dans le chaos.
Comme cette femme s'occupant de son jardin à Tchassiv Yar, localité près de Bakhmout où il est mort, ou le livreur de pain à scooter sur les chemins du Donbass.
A Kiev, il avait saisi un moment de tendresse lors d'une partie de jeu vidéo en ligne entre un père enrôlé dans l'armé et son fils réfugié à l'étranger.
Ses images faisaient souvent le tour du monde. Et même après une longue journée de reportage transmis à l'AFP, on le voyait encore télécharger ses images sur les réseaux sociaux. Son obsession: relater au plus grand nombre ce qu'il avait vu de ce qu'il avait décrit comme "une guerre un peu à l'ancienne, en pleine Europe".
- Passionné de foot -
Arman Soldin est né à Sarajevo et était l'un des premier évacués en France en 1992 au début du siège. Il avait à peine un an.
"Les histoires de réfugiés me touchent", racontait-il l'année dernière pour le blog Making Of de l'AFP, interrogé depuis Kiev alors qu'il s'éclairait à la bougie.
Il parlait couramment français, anglais et italien mais ses origines l'aidaient dans son travail en Ukraine: "Je baragouine un peu en bosniaque, c'est aussi une langue slave, on se comprend un peu."
"Beaucoup de femmes s'appellent Oksana, ma mère aussi", racontait-il.
Footballeur doué, il avait porté les couleurs du Stade Rennais dans l'ouest de la France, de 2006 à 2008 mais avait abandonné ses espoirs d'accéder à une carrière professionnelle. Le club Rouge et Noir a adressé ses condoléances à sa famille et à ses proches.
C'est comme stagiaire au bureau de Rome qu'il avait rejoint l'AFP en 2015.
Arman avait tellement impressionné qu'il y avait été rapidement embauché, à Londres la même année, où il s'est retrouvé à couvrir les années mouvementées du Brexit.
Il est retourné en Italie en 2020 lors de la pandémie de Covid-19 et trouvait des histoires à raconter même quand tout était fermé et tous étaient confinés, avec la même humanité qui a caractérisé son travail en Ukraine.
- Skate en Ukraine -
"Il avait fait une vidéo d'un mec qui dansait tout seul face au Vatican dans Rome déserte, une autre vidéo d'un mec qui faisait du skate dans une ville en Ukraine, complètement dystopique", raconte un collègue.
Quand la Russie a envahi l'Ukraine en février l'année dernière, Arman s'est porté volontaire pour faire partie des premiers envoyés spéciaux de l'Agence.
"Un an presque jour pour jour depuis mon arrivée en Ukraine pour la première fois qui a changé ma vie", écrivait-il en février, se disant "très fier et ému du travail, des efforts et des larmes que nous y avons consacrés avec mes collègues". "Ce n'est pas fini", ajoutait-il.
"Il était courageux, créatif et tenace", lui a rendu hommage le directeur de l'information de l'AFP Phil Chetwynd.
"Il était débordant d'énergie, c'est même ainsi qu'il se définissait lui-même sur les réseaux. D'une dévotion totale à son métier de journaliste", a salué la directrice Europe de l'AFP, Christine Buhagiar.
Tous ceux qui ont rencontré Arman décrivaient son énergie mais aussi sa bonne humeur communicative.
Le 21 mars dernier, il avait fêté son anniversaire avec une équipe de l'AFP à Kramatorsk, dans l'Est de l'Ukraine. "On avait débouché une bonne bouteille pour l'occasion, un collègue avait sorti une guitare", a raconté l'un de ses rédacteurs en chef, Antoine Lambroschini. "Et lui était là, un petit sourire ravi aux lèvres".
N.Mitchell--AT