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Twitter, nouveau média conservateur ?
Twitter, nouveau média conservateur ? / Photo: Brendan Smialowski, Eva Marie UZCATEGUI - AFP/Archives

Twitter, nouveau média conservateur ?

Twitter va-t-il faire concurrence à la chaîne américaine Fox News? Un animateur conservateur star a rejoint la plateforme, suivi par des commentateurs politiques de droite et par Ron DeSantis, le gouverneur républicain de la Floride qui l'a choisie pour lancer sa candidature à la Maison Blanche mercredi.

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Le site de l'oiseau bleu, propriété d'Elon Musk depuis bientôt sept mois, "est désormais un réseau social de droite", estime le journaliste Charlie Warzel dans une tribune du magazine The Atlantic.

Les prises de position provocatrices du patron de Tesla et le retour de nombreuses personnalités controversées avaient déjà suscité l'émoi de la gauche américaine, mais Twitter semble désormais se professionnaliser dans les contenus politiques conservateurs.

Tucker Carlson a ouvert le bal au début du mois. Ce présentateur aux opinions radicales et parfois complotistes réunissait en moyenne 3,3 millions de téléspectateurs en 2022 sur Fox News, soit la meilleure audience dans la grille de soirée des chaînes d'information américaines.

Il a annoncé qu'après son départ de la chaîne conservatrice il lançait sa nouvelle émission sur Twitter, "la dernière plateforme au monde qui permette la liberté d'expression".

Quand il poste une vidéo sur le réseau social, "elle est visionnée 80 millions de fois (...) par un public plus jeune", constate Andrew Selepak, professeur des médias à l'université de Floride. "Le choix est vite fait, surtout si vous cherchez davantage à avoir de l'influence qu'à gagner de l'argent".

Mardi, le site d'information conservateur The Daily Wire a décidé de diffuser ses podcasts sur Twitter, y compris celui de Matt Walsh, un commentateur dont la chaîne YouTube a perdu le droit de générer des revenus publicitaires à cause de ses propos transphobes.

- "Vide" à droite -

Et la conversation entre Elon Musk et le candidat républicain Ron DeSantis en direct sur la plateforme mardi fait couler beaucoup d'encre.

Andrew Selepak pense que "l'idée vient de Musk", mais "DeSantis récupère ainsi l'audience de Musk. Et l'algorithme de Twitter promeut la conversation. Donc il bénéficie d'une attention bien plus conséquente que via son profil ou sur n'importe quel média traditionnel".

L'homme politique se rend ensuite sur Fox News "pour sa première interview à la télévision nationale après son annonce", vante l'antenne.

La chaîne "est particulièrement vulnérable, après l'affaire Dominion et le départ de Tucker Carlson", note Matt Gertz de l'ONG classée à gauche Media Matters. Fox avait mis fin en avril aux poursuites pour diffamation de Dominion, société spécialisée dans les machines de vote électronique, en acceptant de lui verser de verser 787 millions de dollars après que la chaîne l'eut accusée, sans preuve, d'être un instrument de fraude électorale en 2020.

"Cela crée un vide dans les médias de droite, et on dirait qu'Elon Musk essaie de supplanter Rupert Murdoch et de devenir le nouveau Fox News", ajoute le chercheur.

Le multimilliardaire a toujours assuré vouloir faire de Twitter la "place publique numérique de l'humanité", où la liberté d'expression règne.

En pratique, il n'hésite pas à insulter ceux qui le critiquent et les médias traditionnels, au point que certains sont partis, comme la radio publique nationale NPR.

- "Contradictoire" -

"Je dis ce que je veux dire et si je perds de l'argent en conséquence, c'est comme ça", a déclaré Elon Musk lors d'une interview sur CNBC la semaine dernière.

Twitter a été déserté par de nombreux annonceurs et sa valeur a été divisée par deux malgré le licenciement de 50 à 75% des employés. Le patron a besoin d'une nouvelle stratégie.

Elon Musk "exploite le modèle qui a si bien réussi avec les talk-shows à la radio et sur Fox News, un écosystème très rentable façonné par les médias conservateurs ces trois dernières décennies", analyse Kathryn Brownell, professeur d'histoire des médias à l'université Purdue.

Mais les contenus, "cela coûte cher et cela nécessite de la crédibilité", remarque Roy Gutterman, professeur de la Syracuse University. "Il faudrait qu'il injecte à nouveau 40 milliards de dollars pour créer +Twitter News+ et que ça fonctionne".

Récemment, Elon Musk a débauché Linda Yaccarino de son poste de responsable de la publicité chez NBCUniversal, pour diriger le réseau social.

"C'est contradictoire", juge Matt Gertz. Faire venir Tucker Carlson, The Daily Wire et Ron DeSantis, "cela permet de cultiver une base d'utilisateurs d'extrême droite, pas de gagner de l'argent avec de la publicité".

Sans compter le risque de faire fuir les utilisateurs plus modérés - ou que la conversation tourne en rond.

"L'histoire montre que les réseaux sociaux peuvent mourir de nombreuses manières, mais la plus rapide, c'est l'ennui", assure Charlie Warzel.

A.Williams--AT