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Au Laos, un barrage menace l'avenir touristique de Luang Prabang, ville classée par l'Unesco
Au Laos, un barrage menace l'avenir touristique de Luang Prabang, ville classée par l'Unesco / Photo: TANG CHHIN Sothy - AFP

Au Laos, un barrage menace l'avenir touristique de Luang Prabang, ville classée par l'Unesco

Près de Luang Prabang, la construction d'un barrage sur le fleuve Mékong bouche l'avenir de la capitale touristique du Laos, où les défenseurs de l'environnement et du patrimoine peinent à se faire entendre.

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"Aujourd'hui, le paysage est magnifique. Vous pouvez voir les rochers, le fleuve, les jardins sur la rive", décrit un guide conférencier, sous couvert d'anonymat, pour se protéger vis-à-vis du gouvernement autoritaire.

"Une fois qu'ils auront terminé le barrage, le Mékong sera différent", concède-t-il.

A Luang Prabang, joyau culturel du Laos cerné par les montagnes et le Mékong, les pagodes et les vieux bâtiments de style colonial français attirent des centaines de milliers de visiteurs par an.

Mais l'avenir du site, inscrit au patrimoine mondial de l'Unesco, est suspendu au chantier d'un barrage à 25 kilomètres en amont, devenu le symbole de la croissance poussée par le régime communiste en dépit des préoccupations environnementales ou sociales.

Un coût estimé de 3 milliards de dollars, 80 mètres de hauteur, 275 mètres de largeur: la mega-infrastructure doit produire 1.460 mégawatts d'électricité, avec une mise en service prévue en 2030, selon l'agence de presse laotienne.

- Priorité au développement -

L'essentiel de cette énergie est destinée à la Thaïlande et au Vietnam, qui contribuent à la construction, a précisé la commission pour le fleuve Mékong.

L'Unesco a exprimé "à plusieurs reprises ses inquiétudes au sujet de la préservation de la ville de Luang Prabang", selon un courriel transmis à l'AFP.

L'agence onusienne appelle le pouvoir central à réaliser une étude d'impact sur le patrimoine de l'ancienne capitale du royaume dit du "million d'éléphants".

Une baisse du nombre de visiteurs aurait des conséquences importantes sur la ville qui dépend beaucoup du tourisme.

Le Laos, pays pauvre enclavé et dépourvu de tissu industriel, a misé sur l'hydroélectrique pour fournir de l'énergie ses voisins, à travers une série de barrages sur le Mékong et ses affluents, et soutenir une économie minée par l'inflation et les dettes.

Les exportations d'électricité ont rapporté 2,3 milliards de dollars en 2022, selon l'agence de presse laotienne, au grand dam des organisations environnementales qui dénoncent l'impact de ces infrastructures, certaines financées par la Chine, sur la biodiversité ou le niveau du fleuve.

"Les barrages sont nécessaires et ils ne sont pas en ville", se défend Anda Yangsenexay, chef adjoint du service municipal en charge des question liées au patrimoine, conscient des "désaccords" avec l'Unesco.

"Le développement doit aller de pair avec la préservation de la ville, et dans le même temps, les défenseurs du patrimoine doivent accepter le développement. Les deux idées doivent marcher main dans la main", insiste-t-il.

- "Une rivière morte" -

A une centaine de kilomètres en aval de Luang Prabang, le barrage de Xayaburi est entré en service en 2019, malgré des années de controverses.

Les experts restent sceptiques face au discours des autorités.

"Le Mékong est devenu, - et la tendance se renforce -, une rivière morte et essentiellement un lac, parce qu'il est cerné par les barrages", explique Brian Eyler, directeur du programme Asie du Sud-Est au Stimson Center, un centre de réflexion américain basé à Washington.

Les habitants de Luang Prabang, notamment ceux vivant du tourisme, s'inquiètent d'éventuelles répercussions qui feraient fuir les visiteurs.

Une jeune femme de 21 ans, qui travaille sur un bateau touristique, confie ses doutes après s'être informée sur le projet sur Facebook.

"Je suis un peu inquiète parce que ça peut affecter le nombre de touristes. Si les touristes ne viennent pas, nous n'aurons pas de revenu", dit-elle.

Mais la plupart des habitants semblent résignés. Un homme de 37 ans interrogé sur l'impact du barrage hausse les épaules.

"Des hauts fonctionnaires ont déjà signé le contrat", indique-t-il. "Je n'ose pas parler."

D.Johnson--AT