Arizona Tribune - Dans les montagnes du Lesotho, le temps long, les ânes et les brebis

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Dans les montagnes du Lesotho, le temps long, les ânes et les brebis
Dans les montagnes du Lesotho, le temps long, les ânes et les brebis / Photo: MARCO LONGARI - AFP

Dans les montagnes du Lesotho, le temps long, les ânes et les brebis

Dans les campagnes reculées du royaume du Lesotho, en Afrique australe, le temps s'étire ample entre les longs trajets à cheval ou à dos d'ânes, et les heures à garder les troupeaux en haut des montagnes.

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Le pays enclavé dans le territoire sud-africain est un des seuls au monde à ne jamais descendre sous les mille mètres d'altitude. Les reliefs ceints de cultures en terrasses laissent peu de surface aux terres arables.

A califourchon sur son âne, Matekoa Libe part au petit trot sur les chemins caillouteux et abrupts. Ses jambes trop longues battent les flancs de la petite monture.

"Je vais chercher du gaz au village", lance à l'AFP le garçon radieux de 18 ans. Un bonnet enfoncé sur la tête et des lacets noués à la va-vite, il fait repartir le baudet en agitant un pompon coloré au bout d'un bâton.

Il descend ainsi des hauteurs de Thaba Bosigo, à environ 25 km de la capitale Maseru. C'est ici le berceau de la nation sotho, principale ethnie de la monarchie constitutionnelle de 2,2 millions d'habitants.

L'histoire raconte que cette barrière rocheuse culminant à 1.804 mètres a servi de refuge aux pasteurs sotho contre les offensives des colons européens et des guerriers zoulous d'Afrique du Sud au début du XIXe siècle.

Aujourd'hui encore, sur un territoire de la taille de la Belgique (30.355 km2), le moyen le plus commode et le plus employé pour se déplacer hors des grands axes est à dos d'animal.

Pays parmi les plus pauvres de la planète, le Lesotho manque d'infrastructures. Trois grandes routes mènent au nord, au centre et au sud à partir de Maseru. Et au bout de la voie principale dans la capitale, l'Afrique du Sud, derrière un poste-frontière.

- Peuple de bergers -

Sur les hauts plateaux du centre, la nature est intacte. Disséminés en pointillé, des hommes drapés dans des couvertures traditionnelles poussent des troupeaux de moutons et de vaches cornues. Ces couvertures éclatantes en laine sont porteuses de symboles pour le peuple de bergers: l'épi de maïs pour la fertilité, le cœur marquant l'amour d'une nation pour son roi.

Assis sur de grosses pierres, les bergers mâchonnent un bout d'herbe ou fument du cannabis sous de hauts chapeaux de paille. L'économie encore embryonnaire a été précurseur sur le continent, il y a 25 ans, de la culture du cannabis médical.

En fin de semaine, les hommes se rassemblent autour de litres de bière de sorgho et des accordéons. Le famo, sorte de hip-hop local né il y a près d'un siècle des poèmes de la main-d'œuvre rejoignant les mines sud-africaines, vit encore dans la moiteur de bars informels en tôle.

Le soleil tape dur dans les montagnes et le vent coiffe les arbustes tous dans le même sens. Les troupeaux cheminent entre les éboulis de pierres jaunes: l'érosion est visible partout.

Dans le petit royaume africain, cactus et aloès atteignent des dimensions spectaculaires. Mais la neige tombe pendant l'hiver austral et les températures descendent bien en dessous de zéro.

Dans les plaines, des femmes en robe avec des chapeaux à large bord font avancer des brouettes dans les champs. Les gens d'ici vivent de peu, cultivant ce qu'ils mangent: épinards, maïs, sorgho et pommes de terre.

Sous le toit de chaume de sa maison ronde en pierres, Masikilo Hlehlisi, 35 ans, vit dans une seule pièce. Au centre, une marmite sur un feu de bois. Pas d'eau courante, ni d'électricité. La vie dans les villages s'arrête au coucher du soleil.

"Nous sommes encore sous-développés. J'ai un diplôme mais je n'ai jamais trouvé de travail", explique la jeune femme en tongs dans la poussière. Entre-temps, elle s'est mariée, est devenue mère.

Le chômage ronge l'ancien protectorat britannique indépendant depuis 1966. "Les jeunes ne travaillent pas", marmonne la grand-mère de Masikilo Hlehlisi, "nous manquons encore de trop de choses".

Abritée du soleil par un parapluie, la vieille dame s'éloigne lentement, le dos courbé par une vie passée dans les hauteurs du pays surnommé le "royaume dans le ciel".

M.Robinson--AT