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20.000 morts à Marioupol, l'étau se resserre sur l'est de l'Ukraine
Les combats et bombardements russes à Marioupol ont fait au moins 20.000 morts depuis la fin février, ont affirmé mardi les autorités régionales, alors que l'étau se resserre sur la ville portuaire du sud-est de l'Ukraine, où Kiev et les Occidentaux accusent les forces russes de vouloir recourir à des "agents chimiques" pour déloger les soldats ukrainiens retranchés dans la ville.
"Nous pouvons dire qu’entre 20 et 22.000 personnes sont mortes à Marioupol", a déclaré mardi Pavlo Kirilenko, le gouverneur ukrainien de la région de Donetsk, lors d’un entretien avec la chaîne de télévision américaine CNN.
Le gouverneur faisait état auparavant de 10.000 tués dans la ville assiégée, coupée du monde et bombardée depuis plus de 40 jours. Il a admis qu'il était en fait "difficile d'évoquer un nombre de victimes", la ville faisant l'objet d'un blocus.
Le président Volodymyr Zelensky avait auparavant dit craindre "des dizaines de milliers de victimes", tous chiffres impossibles dans l'immédiat à vérifier de source indépendante.
Selon le conseiller présidentiel ukrainien Mykhaïlo Podoliak, sur Twitter, "les soldats ukrainiens sont encerclés et bloqués" dans la ville où "90% des maisons" ont été détruites.
Prendre Marioupol permettrait aux Russes de consolider leurs gains territoriaux sur la bande côtière longeant la mer d'Azov en reliant les régions du Donbass à la péninsule de Crimée, qu'ils ont annexée en 2014.
L’armée russe a affirmé avoir fait échouer lundi une tentative de percée d'une centaine de militaires ukrainiens avec des blindés qui se trouvaient dans une usine du nord de la ville.
- "Agents chimiques" -
L'existence de ce vaste complexe métallurgique transformé en bastion par les forces ukrainiennes de Marioupol, avec des kilomètres de souterrains, promet une bataille acharnée pour le contrôle total de Marioupol, voire le recours à des armes chimiques, envisagé par les séparatistes prorusses du Donbass.
Les Etats-Unis ont ainsi fait état mardi d'"informations crédibles" en ce sens.
Selon le secrétaire d'Etat Antony Blinken, "les forces russes pourraient utiliser différents agents anti-émeutes, notamment des gaz lacrymogènes mélangés avec des agents chimiques" face aux "combattants et civils ukrainiens" à Marioupol.
L'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques (OIAC) s'est elle aussi dite mardi "préoccupée" par ces informations, sur lesquelles le Royaume-Uni avait déjà mis en garde lundi.
- "Centaines de viols"
Dans l'immédiat, les pertes civiles se révèlent au fil des jours dans d'autres zones du pays, avant même la grande bataille promise dans l'est pour le contrôle du Donbass.
Le gouverneur ukrainien de la région de Lougansk, a ainsi révélé mardi qu'environ 400 civils avaient été enterrés depuis le début de la guerre le 24 février dans la seule ville de Severodonetsk.
Les morgues dans les villes de la région "débordent de corps de civils morts", a ajouté Serguiï Gaïdaï sur Telegram.
Mardi, le président Zelensky a dénoncé "des centaines de cas de viol" constatés selon lui dans les zones précédemment occupées par l’armée russe après le début de l'invasion le 24 février, "y compris de jeunes filles mineures et de tout petits enfants"
"Presque quotidiennement, on retrouve de nouvelles fosses communes", a par ailleurs déclaré M. Zelensky, qui s'adressait au parlement lituanien par liaison vidéo. "Des milliers et des milliers de victimes. Des centaines de cas de tortures. On continue de retrouver des corps dans les égouts et les caves".
Le président russe Vladimir Poutine, dont le pays nie toute exaction en Ukraine, a qualifié mardi de "fake" les informations accusant ses soldats d'avoir massacré des centaines de civils à Boutcha, localité de la banlieue nord-ouest de Kiev, d'où ils se sont retirés fin mars après avoir échoué à encercler Kiev.
L'AFP y avait vu samedi le 2 avril les corps sans vie d'au moins vingt hommes portant des vêtements civils gisant dans une rue de Boutcha. L'un des hommes avait les mains liées et les cadavres étaient éparpillés sur plusieurs centaines de mètres.
- Exhumation de civils -
Autour de Kiev, les corps de six personnes tuées par balles retrouvés dans un sous-sol dans la banlieue est, selon le Parquet général ukrainien, se sont ajoutés mardi aux centaines d'autres retrouvés ces deux dernières semaines dans les environs de la capitale.
A Andriïvka, un village situé à 30 km à l'ouest de Kiev qui était encore sur la ligne de front il y a quelques semaines, des journalistes de l'AFP ont assisté à l'exhumation des corps d'autres victimes, trois hommes en habits civils.
Parmi eux, celui de Iouri Kravtchennia. Selon sa femme, Olessia, il été abattu dans la rue juste après le début de l'invasion russe, alors qu'il se tenait mains en l'air.
Alors que sa dépouille était sortie de terre, Olessia a hurlé de douleur et elle s'est effondrée. "Je ne peux pas continuer sans lui", a-t-elle dit.
Dans l'est, frontalier de la Russie et où Moscou a fait de la conquête totale du Donbass son objectif prioritaire, Kiev a annoncé s'attendre, à brève échéance, à une importante offensive.
"Selon nos informations, l'ennemi a presque terminé sa préparation pour un assaut sur l'est. L'attaque aura lieu très prochainement", a averti le porte-parole du ministère ukrainien de la Défense, Oleksandre Motouzianik.
Des civils continuaient de fuir les régions de Lougansk et Donetsk, d'où six trains d'évacuation devaient partir mardi selon l'administration régionale.
"Tous mes parents sont originaires de Russie, j'y suis née. Mon père et ma mère aussi. J'ai de la famille partout en Russie. Ici, dans le Donbass et à Kramatorsk, vivent des personnes de toutes les nationalités (...) Où a-t-il vu des nazis ?", demande à Sloviansk, une ville de la région, Valentina Oleynikova, 82 ans, qui part avec son mari.
Elle faisait référence au président russe qui justifie l'invasion de l'Ukraine par une prétendue volonté de "dénazifier" le pays.
- Il "ne s'arrêtera pas" -
Des analystes estiment que Vladimir Poutine, embourbé face à la résistance acharnée des Ukrainiens, veut obtenir une victoire dans cette région avant le défilé militaire du 9 mai marquant sur la Place Rouge la victoire soviétique sur les nazis en 1945.
En visite mardi dans l'Extrême-Orient russe, M. Poutine a assuré que l'offensive de ses forces en Ukraine se poursuivait "en conformité avec le plan proposé dès le départ par l'état-major".
Il a affirmé que si les négociations, désormais au point mort, ne débouchaient pas, c'est à cause des "incohérences" de la partie ukrainienne.
Kiev, de son côté, a confirmé que les négociations étaient "extrêmement difficiles" avec Moscou.
Vladimir Poutine a en fait "décidé qu'il ne s'arrêterait pas", a déclaré le président français Emmanuel Macron dans un entretien publié mardi, disant croire "assez peu à notre capacité collective à le mettre autour d'une table de négociation à court terme".
Dans l'immédiat, c'est un député et richissime homme d'affaires ukrainien réputé très proche de M. Poutine, Viktor Medvedtchouk, qui a été arrêté par les services de sécurité ukrainiens, selon le président Zelensky qui a accompagné son message sur Telegram d'une photo de l'homme d'affaires menotté.
Plus de 4,6 millions de réfugiés ukrainiens ont fui leur pays depuis l'invasion ordonnée par Vladimir Poutine le 24 février, selon les derniers chiffres publiés mardi par le Haut commissariat aux réfugiés (HCR).
La guerre en Ukraine a déclenché une réaction en chaîne dans l'économie mondiale avec une hausse des prix de l'énergie et des denrées alimentaires qui va aggraver pauvreté et faim, et alourdir le fardeau de l'endettement, a souligné mardi le président de la Banque mondiale.
burx-lpt/fjb
A.Williams--AT