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Débat Le Pen-Macron, pire audience historique: témoin d'un désamour pour la politique à la télé ?
Débat Le Pen-Macron, pire audience historique: témoin d'un désamour pour la politique à la télé ? / Photo: Philippe LOPEZ - AFP

Débat Le Pen-Macron, pire audience historique: témoin d'un désamour pour la politique à la télé ?

Moment phare de la présidentielle, le débat d'entre-deux tours a enregistré mercredi sa pire audience historique: c'est une nouvelle illustration de la faible appétence du public pour les émissions politiques télévisées et d'une campagne atone, estiment des experts.

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"Il y a une usure du format, à laquelle viennent s'ajouter une abstention plus forte que lors de la dernière élection et le fait que c'est la répétition d'un duel dont beaucoup de Français ne voulaient pas", analyse auprès de l'AFP Alexis Lévrier, historien des médias à l'Université de Reims.

Près de 15,6 millions de téléspectateurs ont regardé le débat Marine Le Pen-Emmanuel Macron sur l'ensemble des chaînes qui le diffusaient mercredi soir, soit la pire audience de ce type d'émission depuis sa création en 1974, selon les chiffres de Médiamétrie transmis jeudi.

"Il y a une forme de lassitude, voire d'écoeurement, pour tous ceux qui n'avaient pas envie de ce match retour", estime M. Lévrier.

En 2017, ils étaient 16,5 millions à regarder les mêmes finalistes. Un score inférieur à ceux de 2012 et 2007, mais proche de celui du débat entre Lionel Jospin et Jacques Chirac en 1995 et ses 16,8 millions de téléspectateurs.

Le premier débat d'entre-deux tours, qui opposait Valéry Giscard d'Estaing et François Mitterrand le 10 mai 1974, avait rassemblé environ 25 millions de téléspectateurs. Et le suivant en 1981, avec les mêmes finalistes, 30 millions !

- Une campagne qui a tardé à démarrer -

"Le format a très peu changé depuis sa création avec des journalistes quasiment réduits à la fonction de chronomètres", pointe encore M. Lévrier. En 1974, on tentait de coller aux standards américains, en s'inspirant du premier duel sur le petit écran de l'histoire entre Richard Nixon et John Kennedy en 1960.

Cette année, le débat était diffusé non seulement par les chaînes organisatrices, TF1 et France 2 (14,05 millions de téléspectateurs à elles deux, soit 61,4% de part d'audience), mais aussi par les chaînes parlementaires et les chaînes d'information.

Et grande première pour la jeune génération, qui s'intéresse moins à la politique sous sa forme traditionnelle et est aussi moins encline à regarder le petit écran: quatre streamers l'ont retransmis sur leurs chaînes Twitch, totalisant 278.000 spectateurs au pic d'audience cumulée (autour de 22H00), selon le site de données spécialisées Twitch Tracker.

"Les Français ont en général de moins en moins d'appétence pour les émissions politiques et pour le vote", commente Arnaud Mercier, spécialiste de la communication politique à l'Université parisienne Panthéon-Assas.

Ainsi, sur France Télévisions, "Elysée 2022", l'émission politique vedette, a été regardée par 1,7 million de personnes le 5 avril --la dernière avant le premier tour--, soit une part d'audience de 8,5%, et par 1,9 million (10,7% de PDA), le 31 mars, selon Médiamétrie.

A titre de comparaison, l’émission diffusée par France 2 avant la présidentielle de 2017 avait attiré plus de 3 millions de téléspectateurs (et une part d’audience autour de 15%) lors de ses deux derniers numéros, avec les candidats François Fillon puis Emmanuel Macron comme invités.

Les chaînes traditionnelles ont commencé à tirer les conséquences de ce désintérêt: fait inédit, TF1 avait décidé de raccourcir la soirée électorale du premier tour de la présidentielle pour diffuser le film "Les visiteurs" qui fait un carton d'audience à chaque passage télé.

Selon M. Mercier, "on observe une certaine désaffection des Français pour la politique au sens du jeu partisan. Ils s'engagent à travers d'autres formes de militantisme, la défense de causes ponctuelles, se mobilisent sur les réseaux sociaux, lors de manifestations de rues, des pétitions". Du coup, les émissions politiques, où l'on invite les représentants traditionnels, intéressent moins.

En outre, la campagne électorale a tardé à démarrer: après la pandémie, l'invasion de l'Ukraine par la Russie fin février a occupé le devant de la scène.

Les médias en ont profité pour jouer d'autres cartes que la campagne présidentielle: les chaînes d'information ont notamment pris de l'envergure, profitant d'audiences dopées par le conflit ukrainien.

Y.Baker--AT