Arizona Tribune - Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers

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Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers
Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers / Photo: Daniel JANIN - AFP/Archives

Washington et Moscou ravivent un rituel de la Guerre froide avec l'échange de prisonniers

Des négociations discrètes en pleine crise internationale, conclues par un envol vers la liberté sur le tarmac d'un aéroport: avec un échange de prisonniers très scénarisé, la Russie et les Etats-Unis ont ravivé mercredi un rituel datant de la Guerre froide.

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Alors que l'Occident a pris fait et cause pour l'Ukraine envahie par la Russie, les Etats-Unis ont insisté sur le fait qu'ils ne faisaient aucune ouverture diplomatique vers Moscou, mais cet échange montre que les deux puissances entretiennent encore des relations sur des sujets spécifiques.

Des images de la télévision russe ont montré l'ancien Marine américain Trevor Reed, 30 ans, vêtu d'un manteau, sortir d'une camionnette accompagné par trois soldats russes en tenue de camouflage, apparemment sur le tarmac d'un aéroport.

L'avion s'est rendu en Turquie - qui, contrairement aux pays de l'Union européenne, n'a pas interdit son espace aérien aux avions russes - où il a été échangé contre Konstantin Yaroshenko, un pilote reconnu coupable de trafic de drogue et emprisonné aux Etats-Unis.

"L'avion américain s'est arrêté à côté de l'avion russe et ils ont fait traverser les deux prisonniers en même temps, comme dans les films", a raconté à CNN le père de Trevor Reed, Joey, peu de temps après l'annonce simultanée de sa libération par Washington et Moscou.

L'accord est intervenu malgré une ambassade américaine presque vide à Moscou, Washington se plaignant depuis longtemps des restrictions russes sur son personnel.

Avant la fin de la Guerre froide en 1991, les deux superpuissances échangeaient dans le brouillard de la nuit des prisonniers sur le pont Glienicke de Berlin.

- Préserver des liens -

Surnommé le "pont des espions", il reliait la zone américaine de Berlin-Ouest à la ville est-allemande de Potsdam, en enjambant la rivière Havel.

L'échange le plus célèbre date de 1986, lorsque le principal dissident soviétique Natan Chtcharanski a été libéré en échange d'un ressortissant tchécoslovaque et de sa femme accusés d'espionnage au profit de Moscou.

Trevor Reed, condamné pour avoir agressé des policiers en état d'ébriété, ce qu'il nie, n'a pas l'importance de Chtcharanski et sa libération a peu d'implications politiques.

"Je pense qu'aucune des deux parties ne veut vraiment couper complètement les liens", estime Donald Jensen, ancien membre de l'ambassade des Etats-Unis à Moscou.

"Et soyons honnêtes, un échange de prisonniers est important pour les familles mais dans une certaine mesure, il est relativement mineur en termes de relation globale", dit à l'AFP le directeur pour la Russie et l'Europe au centre de réflexion Institute of Peace.

Le président russe Vladimir Poutine a longtemps parlé d'échanger des prisonniers, y compris après son sommet avec son homologue américain Joe Biden en juin 2021.

Le moment choisi, en pleine guerre en Ukraine, pourrait montrer que M. Poutine peut toujours faire affaire avec les Etats-Unis, selon M. Jensen.

Pour la Russie, un tel échange rappelant la Guerre froide est également important "pour son image d'égale des Etats-Unis, qu'elle et les États-Unis sont des superpuissances et qu'elles décident des choses comme celle-ci", a déclaré Jensen.

L'administration Biden estime pour sa part qu'elle doit préserver au moins certaines relations avec la Russie dans des domaines clés, notamment la diplomatie sur l'Iran, explique-t-il.

- Priorité diplomatique -

La libération des prisonniers américains dans le monde est une priorité de la politique étrangère de toutes les administrations. Le sort des Américains actuellement détenus par l'Iran pèse ainsi lourdement sur les négociations pour relancer l'accord nucléaire de 2015 avec Téhéran.

En 2019, malgré de fortes tensions, de hauts responsables américains et iraniens se sont rendus à Zurich pour superviser un autre échange sur un tarmac.

Le mois dernier, une délégation américaine de haut niveau a également aidé à obtenir la libération d'Américains d'un autre gouvernement hostile, le Venezuela.

Au moins deux autres Américains sont emprisonnés en Russie: Paul Whelan, ancien responsable de la sécurité d'une entreprise de pièces automobiles, et Brittney Griner, une joueuse de basket-ball accusée de possession de drogue. D'autres échanges de ce type pourraient être en cours.

Le dernier échange de prisonniers entre Washington et Moscou a eu lieu en 2010 à Vienne.

Il comprenait Anna Chapman, une jeune Russe installée à New York et arrêtée pour espionnage, et Sergueï Skripal, ancien officier du renseignement russe et agent double pour la Grande-Bretagne.

Son empoisonnement en 2018, dans le sud de l'Angleterre où il s'était réfugié, avait déclenché une crise diplomatique majeure avec la Russie, qui a toujours démenti avoir tenté d'assassiner l'ex-espion.

O.Ortiz--AT